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fantômes et fantoches

entendit sa propre bouche dire, au mépris de sa volonté :

— Hermann, voulez-vous me vendre vos rubis ?

— Non. Il m’en coûte de vous refuser, ainsi qu’à ma fille dont vous avez fait votre alliée, répondit le vieillard ; mais, ajouta-t-il plus gravement, mes pierres ne peuvent apparienir qu’à moi. N’y songez plus, je vous en prie.

Angela y songea plus que jamais. Il lui fallait les rubis. Elle continua ses visites, gaiement insouciante, se montra fort affectueuse envers Hermann, endormit sa méfiance, et le douze septembre au matin, lui dit :

— C’est ce soir qu’Andrea Doria donne sa fête si attendue ; j’y veux surpasser en magnificence les Génoises les plus prétentieuses. Prêtez-moi vos dix rubis, Hermann, je vous les rendrai demain.

— Cela me comble de joie, s’écria le lapidaire, car rien ne m’était plus pénible que de vous désobliger… Voici les pierres, vous êtes digne de les porter, et je vous les confierai volontiers toutes les fois que l’aventure vous tentera. L’essentiel est que ces rubis demeurent ma propriété.

Je regrette de ne pouvoir aller vous admirer chez Doria, mais ma vieillesse s’y refuse, et mes enfants me tiendront compagnie comme d’habitude.