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fantômes et fantoches

Il fallait vraiment l’audace de l’ivresse pour tenter d’imposer sa suprématie à ce cœur sans pitié de soldat, à cette âme plus altière que nulle autre, à cet esprit de diplomate rusé que rien n’avait jamais dominé. Angela cependant le souhaitait. Elle avait combiné d’attirer l’attention de Doria par une action étonnante, ensuite de provoquer à l’aide de ses charmes un caprice de l’amiral, puis de fixer cette fantaisie, d’essence passagère, en lui révélant les dons d’intrigue et d’espionnage dont elle se savait étrangement douée, et qui, espérait-elle, en ferait l’alliée indispensable du maître intrigant, un double de lui-même qui demeurerait à terre pendant les longues expéditions navales.

Elle n’avait pas trouvé ce plan tout de suite, mais s’y était arrêtée après de mûres réflexions et des colloques animés avec Pietro Pisco ; et quiconque eût assisté à leurs entretiens en eût appris long sur le passé pourtant si court des deux complices.

C’est ainsi, pour remplir la première partie de leurs projets, qu’ils avaient convenu d’éblouir Doria par une magnificence que lui-même, peut-être le plus riche seigneur de l’Occident, n’aurait pu se permettre, et c’est ainsi que les aventuriers, ayant appris l’existence des rubis fantastiques,