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fantômes et fantoches

beau-père laissait échapper par manie une occasion exceptionnelle de vendre ses pierres. « À coup sûr, ni Hermann, ni ses héritiers ne retrouveraient semblable fortune », Angela le certifiait, « et d’ailleurs, si elle venait à acquérir les rubis, Danielo Spirocelli les monterait sur un diadème d’or aussi opulent qu’il le pourrait imaginer. »

Il devenait donc nécessaire à la cupidité du gendre que le beau-père se défit de son trésor. Hilda se chargea d’endoctriner Hermann Lebenstein, et, sans vouloir s’expliquer, non plus que son mari, la convoitise acharnée de la Calderini, elle employa toute son astuce filiale à la satisfaire, tandis que l’orfèvre, confiant, ébauchait dans un bloc d’or rouge les dix trèfles d’une couronne.

Cependant, la Vénitienne n’entendait pas le lapidaire prononcer les paroles décisives, et elle s’impatientait, ne sentant point venir le moment de renouveler ses propositions et devinant que bientôt, malgré les remontrances d’Hilda, elle ne pourrait s’empêcher de le faire.

C’est qu’Angela Calderini, accueillie dans Gênes plus favorablement qu’elle ne l’eût rêvé dans ses songes les moins raisonnables, choyée par les plus hauts dignitaires de la République, et devenue la compagne respectée de leurs épouses, était grisée d’avoir conquis une souveraineté qu’elle