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fantômes et fantoches

postiches. Au fond de ses yeux gris passait une lueur perverse. Elle insista :

— Combien voulez-vous me vendre vos rubis ?

Hermann sentit revenir son inimitié primitive. Ce coup d’œil venait de lui rappeler la mauvaise réputation d’Angela, les crimes que la voix publique lui imputait. Il ne vit plus dans cet être factice, diaboliquement rouge, aux mains pleines de feu, qu’un démon.

— Combien ?

— Je vous ai répondu, madame. Les trésors qui circulent des royaumes aux républiques, ceux que des argentiers jaloux conservent au fond des palais, les richesses englouties dans les océans et celles que la terre nous cache, tout cela joint à l’empire du monde ne serait pas un prix digne de mes rubis.

Puis, comme la marquise souriait à ces paroles, se méprenant à leur sens, il ajouta :

— Et si j’avais mes vingt ans, je ne donnerai pas ces pierres en échange de votre amour.

Quelques minutes après, la gondole tanguait et roulait au fil de la rivière humaine. Les rideaux entr’ouverts de la caponera laissaient voir Angela Calderini à côté de Pietro Pisco, baignés tous deux dans le jour écarlate du pavillon. Ils causaient