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le lapidaire

Chose étrange, Hermann s’attendait à cette proposition ; aussi répondit-il sans sourciller :

— Ils ne sont pas à vendre, madame.

— Pourquoi !

— Mais, répartit le lapidaire embarrassé par cette demande déconcertante, parce que je les aime, et puis… qui serait assez riche pour les acquérir ?

— Vous les aimez moins que je ne les aime, car vous avez d’autres pierres qui partagent votre affection ; moi je n’aurais que celles-là. Quant à les payer, reprit Angela en promenant son regard sur le groupe des puissants seigneurs, quant à les payer… j’ai assez d’amis qui tiendraient à honneur de me les offrir…

Ici, les uns caressèrent leur menton assez niaisement, et d’autres, plongés aux abîmes de la pensée, examinèrent avec gravité qui une poutre, qui une dalle, revêtues tout à coup d’un intérêt puissant.

… Si je n’avais, poursuivit-elle, de quoi satisfaire moi-même à mes fantaisies les plus folles.

Là-dessus, les mentons reprirent leur liberté, et l’examen du plafond et du sol ne se poursuivit pas plus avant.

Angela ne riait plus, sa jeunesse avait comme reculé derrière les roides atours et les attraits