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le lapidaire

Ces faits écartaient pour l’esprit de Smaragd toute prévention de sorcellerie. Transporté de joie, soulagé de soupçons, il regagna sa boutique où des freluquets menaient grand tapage.

Pendant que Mario Cibo faisait, par fanfaronnade et sur les instances de moqueurs, l’emplette d’une boucle ornée de jaspe, stimulant des orateurs, Angela Calderini goûtait l’enivrement d’un capitaine au milieu d’un arsenal.

Pour admirer plus à son aise, elle avait quitté ses hautes sandales, et maintenant, petite, alerte, relevant sa robe traînante, elle allait, avec des cris de passion, vers les bijoux séducteurs, abandonnait le rational d’Aaron pour courir aux fétiches, puis s’élançait vers l’exaspération d’un cristal plus voyant. Chaque pierre fut proclamée la plus belle ; c’étaient des compliments aux saphirs, des baisers aux douces perles défendues sur les lagunes, et ne voyant là, au mépris des classifications, que flammes et colifichets, la coquette avoua si franchement son vice effréné, qu’Hermann se dérida.

L’animosité qu’il avait contre Angela s’évanouit insensiblement, à cause, pensait-il, de leur amour commun pour les pierres précieuses, et peut-être… à cause du charme inexplicable de la Vénitienne. Mais cette dernière considération échappa tout entière à la perspicacité du vieillard. La puissance