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le lapidaire

commère formulait en soi-même des pensées vulgaires dans un jargon de batelier.

Voilà comment Hermann la jugeait.

Mais les courtisans d’Angela, s’étant proposé un idéal plus convenable à leur âge que celui d’un septuagénaire, n’avaient garde de détériorer par trop de réflexions cette agréable poupée ajustée selon leur gré d’un bonnet à oreillons et d’une robe de brocart trop chaude dont un vertugadin en cloche soutenait les plis roides. Le corselet pointant bas et décolleté de même en carré, la boursouflure des manches, tout en elle — jusqu’au couteau de cuisine, d’or incrusté d’émaux, qui pendait à sa ceinture, comme il était d’usage en la ville de San Marco pour désigner les ménagères entendues — tout leur plaisait infiniment.

Ces modes s’accordaient du reste à souhait avec la créature qui les avait adoptées ; son pouvoir de séduction s’en trouvait doublé, et c’était là un grand bonheur pour Angela Calderini, car beaucoup de femmes de bonne volonté ont ignoré l’amour à cause que les costumes de leur époque les habillaient mal.

Hermann connaissait de longue date les cavaliers de la dame. L’un d’eux, Mario Cibo, la lui nomma, et, en phrases recherchées, pria le lapidaire de permettre à Phœbé l’accès du firmament étoilé,