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fantômes et fantoches

ébranlé la promesse d’accueillir au milieu de ses pierreries la marquise Calderini.

Il était temps. Hermann reprit son existence coutumière, et par les entretiens dont la boutique résonnait constamment, il connut ce que sa fille lui avait tu, et, crédule aux bavardages parce qu’ils abondaient dans le sens de son aversion, certain qu’Angela et Pietro Pisco ne devaient leur opulence qu’à des forfaits, il eut besoin de se rappeler la foi jurée pour se résoudre à les laisser venir.

Vers le milieu du jour fixé pour l’entrevue, Smaragd prévint son maître de l’approche d’une troupe, sans doute l’escorte de la Vénitienne.

Hermann s’avança jusqu’à la porte pour accueillir la visiteuse et vit un nombreux cortège venir à lui dans le chatoiement des étoffes et le bourdonnement des voix ; cela faisait comme un flot houleux de plumes, de feutres et de soies, où se balançait une sorte de bateau.

La signora Angela Calderini, en effet, inaugurait une nouvelle extravagance, et sa litière avait la forme d’une gondole. L’avant redressait comme une fière encolure sa lame d’acier flamboyant au soleil et la caponera déployait une telle magnificence que les magistrats de la Sérénissime République n’eussent certainement pas laissé voguer