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le lapidaire

plus favorablement la riche prodigue, afin qu’il la reçût dans sa maison et tirât de sa coquetterie de grandes sommes d’argent.

Elle évoqua pour le convalescent les soupers féeriques dans les parcs illuminés, au son des orchestres, les croisières nocturnes des barques enguirlandées de lanternes, les cavalcades par la campagne sur des haquenées espagnoles, pomponnées à la madrilène et tintinnabulantes, les joyeuses charges derrière le vol inexorable des faucons, et surtout les fêtes un peu cérémonieuses et guindées que les nobles et le doge, oui, mon père, le doge lui-même, avaient offertes à la signora Calderini.

Que cette folle affichât impudemment des allures et des goûts trop vénitiens, ce qui ressemblait à une provocation, que Pietro Pisco, son prétendu cousin, occupât auprès d’elle une fonction louche, que la provenance de leurs ressources fût inconnue, peu importait à Hilda. L’essentiel était que leurs dépenses fussent nombreuses et soldées exactement, en bons écus sonores.

Angela étant allée choisir quelques bijoux parmi ceux de Spirocelli, ce fut une nouvelle occasion pour le lapidaire d’entendre louer celle qu’il persistait à mépriser, et sa fille s’employa si bien à la réussite de son projet, qu’elle arracha au vieillard