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le lapidaire

Calderini s’obstinait à porter des perles, le provéditeur au luxe l’a exilée. Elle est arrivée hier au soir, et déjà le vieux palais s’anime pour des bals et des réjouissances. L’esprit du faste se serait abattu sur la Ville que nous n’aurions pas lieu d’être satisfaits davantage, car les Génoises voudront rivaliser de splendeur avec la Vénitienne, et les orfèvres se féliciteront de ce que la lutte des deux cités prenne pour théâtre les salles de fêtes et non plus la mer.

— Ma chère enfant, nous sommes parmi les plus fortunés…, répartit Hermann, ton avidité est donc insatiable ? Les bénéfices que tu supputes dans ton avarice sont chimériques, car Gênes est encore très hostile à Venise, et peut-être la signora Calderini passera-t-elle pour une espionne dont chacun s’écartera… et puis, profiter de la corruption d’une ville pour s’enrichir, serait-ce une action d’éclat ? Et ne vaudrait-il pas mieux pour la République abriter encore la guerre civile et la peste, plutôt que la débauche et la marquise Calderini ?… Elle est sans doute très belle ?

— Non, mon père, je l’ai aperçue tout à l’heure à sa terrasse. Ses cheveux roux, humides de teinture et répandus sur ses épaules, séchaient au soleil. C’était un spectacle anormal pour les Génois et les passants s’arrêtaient pour la regarder. Elle,