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le lapidaire

Au-dessus de cette angoisse boutiquière, Hermann se complaisait en l’intimité reconquise de sa fille. Aussitôt que le départ d’un courtier les laissait seuls, Hilda contait dans le cher langage d’Allemagne les nouvelles intéressantes descendues de la noblesse ou montées du peuple vers elle, et les caquets de son entourage bourgeois. Ce babillage frivole distrayait le vieillard ; après tant de travaux obstinés et de secousses, il éprouvait un repos délicieux à penser tout simplement que les époux Malatesta, toujours ennemis, avaient procédé en pleine rue à l’escarmouche la plus réjouissante ; que la famille des Salvaggi logeait à présent dans son palais neuf, et que l’ancien venait d’être acheté par un étranger. Et de temps en temps, il posait à sa fille des questions afin d’encourager sa loquacité et lui donner comme un élan nouveau.

— Qui donc possède maintenant le palais des Salvaggi ?

— Père, c’est je crois un Vénitien. Il s’appelle le comte Pisco, mais il n’a, dit-on, que le titre d’écuyer ; ce n’est pas lui qui doit habiter le palais.

— Et son maître, le connaît-on ?

— Non, mais je le devine opulent et délicat, aux splendeurs qui meublent déjà son logis. Il y a dans le port une gabare chargée de tapisseries éclatantes,