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fantômes et fantoches

que le serviteur accueillait de nouveau dans la boutique élégants et infirmes. Les courtiers montaient dans la chambre à coucher et le lapidaire concluait des marchés dans la pompe de son lit à colonnes. Seuls, les étrangers se trouvaient implacablement évincés ; on ne visiterait pas les collections tant que le maître demeurerait incapable de les présenter lui-même.

Smaragd se plongeait dans les réflexions les plus subtiles sur les événements récents. Il causait, pesait, empaquetait, recevait l’argent avec l’activité d’un vendeur accompli, mais il dut souvent causer mal, peser faux, empaqueter peu solidement, demander et recevoir des prix fantaisistes, car sans cesse il pensait aux rubis, et sa croyance de les avoir vus roses et de ne point s’être trompé, se confirmait davantage à mesure qu’il se retraçait la scène. Alors, il fallait décider que ces pierres changeaient de couleur selon l’état de leur propriétaire, par sympathie, comme l’opale et la turquoise, ou bien qu’elles ne revêtaient leur splendeur suprême qu’en la présence d’Hermann, et, dans ce cas, cela tenait de la magie ; l’une des deux solutions s’imposait et Smaragd attendait que le sort justifiât soit l’une soit l’autre, ou bien laissât, comme il était probable, la question sans réponse.