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fantômes et fantoches

— Le dixième rubis !… Ah ! Ah ! Fermé le cercle ! Le dixième ! Entends-tu, Smaragd ? Voici l’anneau complet, maintenant ! Le dixième ! le dernier ! Ah ! Ah ! Ah ! Dix !… Qu’est-ce que Boccace, avec son Décaméron ? Dix ! De quoi parer dix bagues pour les dix doigts de Jehovah ! De fameux doigts, Smaragd ! De fameuses bagues ! Le décalogue ! Le décalogue ! Il fera des météores quand il remuera les mains ! Dix ! Une assemblée moins ordinaire que le Conseil de Venise ! Dix ! Dix !…

Il s’animait de plus en plus, loquace pour la première fois, et faisait rayonner le rubis avec des mines d’enfant, péniblement comiques de la part de ce grand vieillard. Smaragd crut reconnaître que la pierre dardait des flammes un peu jaunâtres, mais il avait d’autres sujets d’étonnement et ne pensait guère qu’à secourir son maître en démence.

Hermann gesticulait violemment, et vociférait de sa voix éloignée des paroles incohérentes ; puis, tout à coup, poussant un hurlement d’une furie surprenante, il s’abattit lourdement sur les dalles que le rubis abandonné érafla dans une traînée d’étincelles.

Ayant pris son maître évanoui sous les aisselles, Smaragd le hissa par l’escalier jusqu’à la chambre à coucher et réussit à étendre sur le lit ce corps de