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fantômes et fantoches

fastueux : des souverains s’y fournissaient par leur canal, le doge était acheteur fréquent et payeur ponctuel ; enfin un fleuve d’or coulait dans la rue des Archers et l’on déclarait fort naturel que celui dont le génie avait détourné le Pactole y puisât superbement, non dans un but de lucre, mais pour amonceler en artiste les plus belles pierreries de la création.

Un courtier rappelait alors que tel saphir de la collection avait passé par ses mains ; tel autre racontait les mésaventures d’un diamant cédé l’année d’avant au vieillard et qui avait appartenu au défunt duc de Bourgogne ; un troisième disait d’une émeraude qu’avant de luire dans la fameuse chambre, elle avait été avalée par un serviteur fidèle tombé dans une embuscade. Bref, l’histoire du trésor d’Hermann était souvent répétée au bruit des hanaps entrechoqués, tandis que les dés roulaient.

Mais beaucoup de pierres, et non des moindres, étaient de provenance inconnue, et au nombre de celles-ci les rubis de l’écrin vert ; à leur endroit, les buveurs se perdaient en conjectures et soutenaient les suppositions les plus inadmissibles ; aucun n’avait, au cours de ses voyages, contemplé pareils joyaux, même à Ceylan ; et puis, comment expliquer leur multiplication et deviner quel rajah