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le lapidaire

En quittant Hermann, les marchands passaient devant Smaragd, et celui-ci trouvait souvent le moyen de les tenter, si bien qu’ils achetaient à titre d’amulette une pierre dont ils venaient de vendre la semblable en tant que denrée commerciale. Quel Arabe n’eût pas été séduit par les appas de la turquoise qui, attachée au sabot d’un cheval, l’empêche de broncher ? Et les pêcheurs de corail ou de perles n’étaient-ils point raisonnables de se procurer le monde d’or, cette providence du nageur ?

Smaragd, si gauche une fois séparé de ses balances et de ses coffrets, excellait dans son métier et trouvait des paroles persuasives pour dévoiler le mal ou le danger et convaincre les clients de l’efficacité de ses joyaux-drogues ou de ses bijoux-amulettes. Tous les courtiers de profession, réunis le soir au fond des tavernes, possédaient chacun quelque babiole bienfaisante provenant des magasins d’Hermann, et ils se les montraient naïvement l’un à l’autre, en devisant des choses de leur métier.

Ceux-là n’avaient point sujet d’être surpris par la richesse du lapidaire, Ils le considéraient comme un artisan fort clerc, habile au négoce, et comme un tailleur de diamants d’une adresse peu commune. Ils connaissaient à sa boutique des habitués