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fantômes et fantoches

demander si Hilda et son mari Danielo n’allaient pas bientôt le faire grand-père et lui donner un petit crépuscule ou bien une petite aurore.

Ces habitudes de bourgeois pacifique plaisaient aux citadins et, s’ils cherchaient à pénétrer le secret supposé d’Hermann, c’était simplement l’irrésistible instinct de savoir qui les y poussait. Même, ils professaient une estime particulière envers celui dont la maison ajoutait un nouvel attrait à leur Ville et ils eussent été fort ingrats de nier qu’Hermann avait sauvé un grand nombre d’entre eux.

En effet, une rumeur confuse, venue on ne sait d’où, avait un jour répandu cette nouvelle que le lapidaire connaissait l’art de guérir l’âme et le corps à l’aide de ses pierres. On citait de véritables résurrections : la femme du changeur, la signora Giuseppa Tornelli, qui se mourait d’insomnie perpétuelle, s’était mise à dormir trois jours et trois nuits durant grâce à une chrysolithe cousue dans son scapulaire ; aveugle depuis plusieurs années, l’armateur Beppo Pranza était maintenant le premier à voir les mâts de ses vaisseaux attendus dépasser l’horizon bleu du golfe : un diamant dont il se frottait les paupières tous les matins lui avait rendu le jour.

Il est vrai que la signora Tornelli avait bu cer-