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le lapidaire

les mots italiens, avait épousé les blondeurs et la voix, sans souci apparent des croyances, de la nationalité de son beau-père, non plus que de ses grandes richesses. Ce mariage, pourtant, avait acquis d’avance à un citoyen de la République le trésor de l’émigré, et les pires langues ne pouvaient s’empêcher de rendre grâce à Luther et à Lucifer, son patron, d’avoir dirigé de ce côté Hermann, sa fille et ses millions.

Aussi bien, le lapidaire menait l’existence la plus calme, ne donnant point prise à la malveillance. Il vivait maintenant seul dans sa maison de la rue des Archers, avec un serviteur unique, amené d’Allemagne : Smaragd ; c’était l’homme au petit front qui, dans la boutique, vendait des pierres précieuses et dont Hermann avait fait son valet et aussi son compagnon.

Toute la journée, le vieillard se tenait chez soi afin de recevoir les acheteurs, les vendeurs et les curieux, et, chaque soir, régulier comme sa montre d’argent, il se rendait à la demeure luxueuse de Spirocelli, soupait en compagnie de ses enfants comme entre le jour et la nuit et se retirait paisiblement toujours à la même heure. L’exactitude continuait à le gouverner et, au coin de la rue des Archers, devant une madone à l’Enfant Jésus nichée dans le mur, il ne manquait pas de se