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le lapidaire

sistait, même dans ses mains jointes ; tant qu’un mince filet de lumière pouvait tomber sur une facette, le rubis tout entier irradiait, et l’orfèvre voyait le bord de ses doigts fermés s’illuminer de pourpre, comme si, au travers de cet écran, il avait regardé le soleil.

Il replaça l’objet inquiétant sur le velours vert et demeura soucieux à regarder briller la couronne infatigable.

Au bout d’un instant :

— La dizaine de prodiges n’est pas complète, fit-il.

— Non, répondit le lapidaire, mais elle le sera bientôt.

— Vous êtes un homme surprenant. Chacun de vos rubis semble sans pareil ; or, vous en possédez neuf qu’il est impossible de différencier l’un d’avec l’autre tant ils sont identiques ; et voilà que vous affirmez sérieusement acquérir bientôt le dixième semblable aux autres en tous points ! De quel pays faites-vous donc venir ces corindons géants ?

— Vous avez là une dague dont la poignée est remarquable, dit Hermann, la coquille de la garde est fouillée à ravir. En êtes-vous l’auteur ?

Et Benvenuto, voyant que le vieillard se refusait poliment à répondre, prit congé de lui avec force civilités, et crut, en quittant cette maison, sortir d’une légende.