Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
fantômes et fantoches

duel homérique, monsieur le curé… Eh, eh, fis-je en riant bêtement, le mégalosaure a peut-être tourné de l’œil à la suite de ses blessures ?…

— Douteux, riposta le curé en allongeant le pas, trop longtemps… cicatrices…

Nous atteignîmes notre but. L’abbé Ridel enleva sa veste, tira son couteau de chasse, et se mit en devoir de dépecer le monstre :

— Ce n’est pas un sarcophage pour un chrétien, dit-il, aidez-moi.

Je tirai aussi mon couteau, mais avant d’attaquer le ventre ballonné, je plongeai la lame dans les yeux ternes, furieusement, à tâtons, sans oser regarder ce que je faisais.

— Drôle d’organisme, faisait le prêtre, quel bizarre tissu, fibreux, friable…

Nous retrouvâmes Gambertin. Ici une description serait sacrilège. La mort privée de sa majesté ressemble à une belle femme nue dont serait rasée la chevelure magnifique et sereine, et chaste comme un manteau d’or. Il faut la cacher.

Mais l’abbé Ridel observait l’intérieur de la bête en poussant des exclamations.

— Où donc est l’estomac ? disait-il, c’est extraordinaire… des muqueuses aussi peu élastiques… ah çà, où donc est cet estomac ? Je n’en trouve