Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
les vacances de m. dupont

Et il m’aperçut.

Jusqu’à ce moment, j’étais resté là sous l’influence de la curiosité, et surtout de la peur qui me vidait les jambes, mais alors, ce fut bien autre chose qui me fit demeurer.

Les yeux verts du mégalosaure, d’ignobles yeux de poulpe, glauques et phosphorescents, braqués sur moi, me fascinaient comme une fauvette. Ils eussent dardé des regards de fer que je n’eusse pas été plus solidement cloué au mur.

La tête approchait. Immobile, j’entendais battre mon sang, et mes nerfs frémir…

Tout à coup, la joie effrénée de l’espoir m’envahit : la tête était venue butter contre la porte trop petite pour la laisser passer. L’animal tenta de l’introduire en travers. Vains essais. Cependant il ne se décourageait pas et nous restions face à face, moi collé à la muraille à un mètre et demi de sa gueule appuyée à droite et à gauche contre le chambranle. Il se mit à souffler, comme haletant par suite d’un effort, et le mur de séparation gémit sourdement… Je sentis mon visage devenir livide… Mais, grâce au ciel, le monstre, sans doute mal d’aplomb, renonça bientôt à démolir l’obstacle. Et je me demande si cela fut vraiment une faveur de la Providence. Un rien, un pas de côté, m’eût sauvé, et j’étais sans