Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
le lapidaire

— Ces drogues-là guérissent, répondit-il. Elles rendent la santé à ceux qui croient en elles. La foi remue de même paralytiques et montagnes, et j’ai accompli beaucoup de cures étonnantes parce que le nombre des malades est moins grand que celui des crédules.

— J’admire ces objets inertes qui exécutent de grandes choses sans force, murmura Benvenuto.

— Ils possèdent en tout cas la puissance qu’on leur prête, la plus formidable de toutes, puisqu’elle est à la mesure sans borne de l’imagination ; et puis, que sait-on… peut-être les créatures, rochers, bêtes et plantes, sont-elles reliées par d’obscures affinités…

— Oh…

— Comprenez-moi, dit Hermann en saisissant le bras de l’artiste ; la matière universelle est la même sous des aspects multiples ; nous sommes de l’argile dont se composent loups, reptiles, mollusques, rosiers, mousses, coraux et granits. Insensiblement, par degrés imperceptibles, en pente douce, sans choc, la nature passe du caillou : ombre et stupidité, à Benvenuto Cellini : lumière et génie…

Mais, au lieu de poursuivre sur ce ton, Hermann sembla se raviser et il ajouta seulement :