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fantômes et fantoches

que notre tarasque n’est plus… On pourrait prier le curé à dîner. Je ne le faisais point car il m’eût été pénible de le voir s’en aller, la nuit, au bord des bois… Allons le trouver et demandons-lui s’il lui plaît de souper aux Ormes, ce soir.

Ainsi fut fait. Le curé accepta, et ce fut un joyeux et savant festin.

Vers onze heures, comme les deux champions avaient épuisé tous leurs arguments et quelques vieilles bouteilles, l’abbé Ridel se leva pour prendre congé. Alors, je vis Gambertin changer de couleur en le reconduisant. Mon hôte ouvrit la porte : on eût dit qu’il l’ouvrait sur une cave tant la nuit était obscure.

— Monsieur le curé, dit-il en reprenant son visage habituel, vous n’avez pas de chance et ne pouvez festoyer avec nous sans attirer l’orage sur le pays. Il est impossible que vous partiez.

— Que si, répondit l’autre, j’atteindrai le presbytère avant la pluie, comme l’autre fois, mais je dois me dépêcher…

— Non, monsieur le curé, vous ne partirez pas, dit fermement Gambertin, ce serait tenter le diable, je ne veux pas que vous partiez.

— Mais…

— Vous allez coucher au château, entre Dupont et moi, dans une chambre d’amis qui est toute