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les vacances de m. dupont

Cette idée que la terre de France n’avait pas toujours été et ne sera pas toujours ne pouvait anéantir ma tendresse pour le pays tel que je le connais — le marin n’aime-t-il pas son navire éphémère, et n’est-ce point là, même, du patriotisme ?

Cette pensée que peut-être l’homme n’était pas encore l’homme il y a des siècles, et ne le serait plus dans un avenir fort éloigné, ne me poussait pas irrésistiblement, sous prétexte d’une commune destinée, à souhaiter la famille mondiale.

Malgré la prédiction de mon hôte, je ne devenais donc pas anarchiste, et l’athéisme ne me gagnait pas non plus grâce aux répliques du curé — lequel du reste niait énergiquement l’évolution humaine.

Gambertin lui-même se plaisait maintenant à recevoir son adversaire, et ces réunions devenaient de plus en plus charmantes à mesure que nos soucis s’évanouissaient et que la certitude d’être débarrassés du monstre chassait toute arrière-pensée de l’esprit de Gambertin et du mien. Après cinq semaines de paix, nous goûtions donc, sous ce climat d’Afrique, l’existence la plus douce, et mes vacances méritaient enfin leur nom.

Gambertin me dit un jour :

— Nous voilà au trente août, je crois vraiment