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fantômes et fantoches

— Je le sais, monsieur le comte.

— Paléontologue,… c’est vous dire que je n’ai pas l’étoffe d’un marguillier…

— Pourquoi donc ? Je ne vois pas l’incompatibilité…

— Hein ? s’exclama Gambertin. Comment voulez-vous que je croie à la création du monde en sept journées quand je touche du doigt la preuve qu’il s’est constitué lentement par des accumulations millénaires ?

Comment admettre l’apparition subite d’un couple humain surgi, tout adulte, au milieu de forêts déjà vieilles à leur naissance et couvertes de fruits mûrs aussitôt que fabriquées, lorsque toutes mes trouvailles me démontrent l’irrespirabilité de l’atmosphère primordiale, l’âge transformant l’individu, et l’évolution métamorphosant les races ?

Enfin pourquoi cette longue inaction de Dieu depuis… l’origine de l’éternité, si je puis m’exprimer ainsi ?… Et votre déluge soi-disant universel qui, dans la réalité, s’est localisé autour du mont Ararat ?… Et l’arche de Noé, monsieur le curé, l’arche de Noé ?…

— Monsieur le comte, à une époque où l’on ne croyait pas la science indispensable au bonheur, saint Augustin vous eût répliqué : « Les miracles ne peuvent provenir que d’un Dieu. Leur exis-