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fantômes et fantoches

servant était décédé depuis peu, et le nouveau sortait du séminaire. Gambertin le savait par hasard, s’inquiétant peu des affaires du monde présent.

— Je n’aime pas beaucoup les ecclésiastiques, dit-il, leurs idées ne sont les miennes en rien. Mais celui-là est jeune ; faute de savoir la vie, il est encore sincère. Allons trouver ce jeune pasteur.

L’abbé Ridel nous accueillit avec une joviale déférence, le regard droit, et sans mettre les mains dans ses manches.

Nous causâmes de ses paroissiens :

— D’excellentes âmes, dit-il, mais hantées de terreurs diaboliques. Ce n’est pas Dieu qui les attire, c’est l’enfer qui les fait reculer vers le ciel, et cela est tout simple, car Satan, ils ne le voient pas, aucun simulacre ne le représente, alors ils l’aperçoivent partout, tandis que Dieu, c’est la statue peinte de la croix, non pas une image représentative, mais une idole, Dieu lui-même, il est là et non ailleurs, il est là sans force… sans danger pour eux… oh ! l’inconnu, de quel pouvoir il est doué !

Ces paroles s’accordaient étonnamment à notre propre situation. Gambertin me fit, de la paupière,