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le lapidaire

Alors, toutes les paroles vantardes des guides tombaient dans l’oubli, les mots de collection, musée, galerie, trésor même, qui avaient attiré les curieux chez Hermann, eussent semblé d’une mesquinerie insultante à qui s’en fût souvenu ; mais personne n’avait d’idée, nul n’a pu dire jamais la forme de la salle, ses voûtes, ses fenêtres solidement grillées. Chacun, fasciné, vivait seulement par les yeux agrandis et regardait avec des frissons un spectacle sans pareil dont les histoires les plus invraisemblables n’auraient point augmenté la splendeur, car le vieux geôlier gardait captive la nuit étincelante des étés d’Orient.

Le premier regard, jeté du seuil, ne distinguait dans un demi-jour crépusculaire qu’une infinité de points incandescents ; et rien ne déconcertait comme cette multitude innombrable d’étoiles, si ce n’est le fait de les savoir chacune un joyau sans prix.

Quelle fortune patiente et connaisseuse avait amoncelé une telle profusion de gemmes aussi parfaites ? Et quelle science avait su les disposer si habilement que, dans cet intérieur sombre, elles luisaient comme au soleil ? Cela déroutait l’habitude et la logique. Il fallait qu’Hermann fût prodigieusement riche, savant à l’excès ; et tous ces passants le vénéraient, depuis qu’ils avaient découvert en lui Aristote et surtout Crésus.