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fantômes et fantoches

— Je fais de la paléontologie !

Et aussitôt Gambertin s’apaisa, comme déçu. Ma mine, en effet, ne devait pas refléter l’admiration supputée. Ce mot oublié ne me disait plus grand’chose. Toutefois, par politesse, je m’exclamai :

— Ah ! fichtre !

Gambertin ne voulut pas m’humilier par une définition :

— C’est comme je vous l’annonce, reprit-il ; l’occasion fait le larron. Un jour, dans un endroit que je vous montrerai — si cela vous intéresse — je trébuchai contre une pierre, du moins je la supposais telle ; elle affectait un aspect insolite ; je creusai. C’était un os, mon cher, un crâne de bête… antédiluvienne ; comprenez-vous ? — lança-t-il d’un ton moqueur. — Il y avait là un véritable banc de fossiles. Les exhumer, les nettoyer, les étudier, voilà ma tâche. C’est ainsi que je devins paléontologue.

Soyons franc, cet enthousiasme ne me gagnait pas. Je taxai de manie la passion de déterrer des charognes dans la splendeur parfumée de la nature. Au reste, le sommeil m’accablait, la journée avait été dure et longue, Gambertin m’eût confié qu’il était Mahomet que je ne m’en fusse pas autrement émerveillé. Je le lui avouai en ma-