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les vacances de m. dupont

La campagne filait devant mes yeux, déjà fleurie. Je ne pus m’empêcher, un instant, de songer combien elle serait jaune et desséchée à mon retour. Mais cela fut bref, car je voulais me réjouir et n’entendais point gâter une minute de mes six mois. Je repris ma contemplation et j’admirai la course des plans successifs, vertigineuse tout près et lente au lointain. Néanmoins, lorsque des myriamètres de France eurent passé, comme tournant autour d’un point au-delà de l’horizon, le désœuvrement s’empara de moi. Personne à qui causer. Pour comble d’infortune, j’avais oublié d’acheter des journaux, et le train, express jusqu’à midi, ne devait pas s’arrêter avant cette heure-là.

Mon courrier seul me restait comme distraction. Il était maigre. Je n’ai plus de famille, mon bien est en viager, donc peu d’affection se manifeste en ma faveur. Les lettres commerciales étant, Dieu merci, demeurées à Paris, le courrier se composait d’un prospectus du Louvre et d’un numéro spécimen de la Poularde, journal d’aviculture.

Après un souvenir affectueux à mes poules, je lus d’un bout à l’autre la gazette opportune, bien lentement afin d’atteindre midi sans avoir à le recommencer.

Comme tous les exemplaires-réclames, celui-ci était fort intéressant. J’y trouvai de précieux