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fantômes et fantoches

de tort à personne. Je pourrais aussi, en conservant le véritable décor avec ses appellations, déclarer que ce n’est pas l’authentique. Mais je ne suis pas habitué à ces finesses cauteleuses, et. j’estime néfaste pour un nom d’être mélé à une accusation, fût-elle par tous reconnue fictive.

Je tairai donc celui de l’endroit en question, je m’efforcerai de ne rien laisser échapper qui puisse le trahir, et si par malheur on distinguait parmi les descriptions forcées quelques détails isolés dont l’ensemble ne pourrait s’appliquer qu’à une seule contrée, je supplie le lecteur de ne pas les réunir. S’il ne m’obéit pour les autres, qu’il le fasse pour lui-même, car, on peut me croire à l’avance, il est effrayant de penser qu’une vraie terre, de vrais arbres, de vrais rochers ont assisté à cette fable réelle et qu’il y a un quelque part où… mais, je m’égare.

J’étais donc en wagon, ahuri de ce bouleversement de mes habitudes autant qu’un têtard qui se trouverait grenouille tout à coup.

L’indépendance me grisait de son air montagnard ; je ne l’appréciais pas totalement : dans ma pensée trop de chiffres grouillaient encore, je les sentais peu à peu devenir tranquilles et s’effacer. Bientôt je fus tout aux joies du présent.