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les vacances de m. dupont

Tandis que je m’occupe du négoce proprement dit, Brown se spécialise à la direction des ateliers. Sans lui, les affaires molliraient fatalement, j’en conviens, car j’ai horreur des machines à coudre et des bicyclettes, étant forcé de vivre au milieu de ces engins. Mais Brown me gourmande et je mets en pratique ses conseils car, au fond, je les sens très sages. Il m’en donne pour chaque circonstance ; si je prends un peu d’exercice toutes les semaines, si j’écris ces lignes aujourd’hui, c’est également à lui que je le dois. Dans son for intérieur, peut-être me dédaigne-t-il un peu. Quand nous nous promenons dans la banlieue, il me reproche d’être poète… Je ne crois pas cependant mériter ce titre, j’aime la nature, et c’est tout ; mais lui, ne voit aux contours sinueux des collines que des lignes graphiques, des diagrammes fantaisistes, il joue de la métaphore à rebours, c’est l’inverse d’un poète, alors comme je lui ressemble aussi peu que possible il m’appelle ainsi.

Son appartement est contigu au mien, Brown est comme moi célibataire.

Ce matin-là, je ne me pressais pas de finir ma toilette parce que j’avais à dire à mon voisin quelque chose d’imprévu pour lui, et je me demandais comment il prendrait la nouvelle.

Enfin, j’étais prêt, il fallut s’exécuter.