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offrande à cypris porte-miroir

les mots essentiels, versant le verbe intense dont tout s’imprégnait aussitôt, semblant l’agrandir sans fin.

L’Âme inquiète émouvait l’air odorant et se faisait musique, l’âme véritable, non plus réduite à un seul sentiment, mais complexe ; car des rhythmes d’allégresse scandaient un mode nostalgique, des luttes d’idées sonores se bouleversaient, et toute l’œuvre était une immense passion stylisée dans de l’harmonie.

Sur la scène, parmi la nature factice identifiée aux épisodes, environnés de crépuscules, ou de nuits, ou d’aurores idéalisés, les acteurs faisaient merveille et ils oubliaient leur véritable personnalité. Mlle Mitaine, dont le rôle comportait un évanouissement, eut une attaque de nerfs magnifiquement réelle. Un vieux comparse sanglotait en pensant que cette sublime partition allait être incinérée sans merci. Lauval criait au miracle, « pourvu que Lavaret lui laissât jouer la pièce durant un mois, il offrait des montagnes d’or ».

Mais l’autre secouait la tête et s’en allait près de son auditrice.

Au premier entr’acte, Mme de Fryvol lui déclara que cela était ravissant, délicieux, exquis.

Au second, cela était exquis, délicieux, ravissant.