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fantômes et fantoches

Et elle ne vit point Lavaret, surgi au pupitre du chef d’orchestre, s’incliner, dans le lointain, vers sa Beauté.

Puis l’œuvre vécut sa vie éphémère.

Un court prélude la devança, non un résumé anticipé, mais plutôt une invitation à entendre, une transition nécessaire de la réalité à la fiction, comme un de ces dédales sombres, vestibules des panoramas, où l’on perd conscience de la perspective naturelle, où l’on se déyêt aussi du scepticisme,

Et ce fut le poème d’amour tant de fois accusé d’être simple et banal parce qu’il est répandu à l’égal de l’humanité, parce qu’il est éternel comme l’âme.

On entendit l’adorable mêlée des sons savamment enchevêtrés qui fait que l’on écoute rêver le génie.

Lavaret, de sa baguette magique, commandait à des flots soumis, et les accords crevaient ainsi que des bulles d’air à la surface d’un lac, et des cascades cristallines tintinnabulaient, et parfois une tempête soufflait sur un océan, et parfois, aussi, d’une harpe, une goutte d’eau tombait dans la vasque vibrante du silence.

Au sein de tout cela les voix se fondaient, disant