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fantômes et fantoches

Un jour de décembre, l’affiche de l’Opéra-Dramatique annonça : Relâche.

Et Lavaret entrant chez Briffaut lui dit :

— C’est pour ce soir.

— Déjà ?… Es-tu content ?

— Trop. Surhumainement.

— Tu l’aimes donc toujours ?

— Bien sûr, puisque c’est sans espérance.

— Sait-elle que tu as projeté d’ouvrir son cœur avec une clef de sol ?

— Je lui ai appris la chose il y a peu de jours. D’émotion, elle a failli se trouver mal.

— Bah ! Voilà qui l’aurait changée…

— Trêve de mauvais bons mots. Sa gratitude est immense.

— Tu la crois fermement en état de mesurer le sacrifice ?…

— Oh ! Peux-tu…

— De juger ton opéra un chef-d’œuvre ? Enfin, c’est une musicienne, une vraie ? Tant mieux. De quoi joue-t-elle ?

— De rien, de l’ouïe, tout simplement, ce qui n’est pas si commun : savoir écouter, c’est un art précieux.

— Une virtuose de l’oreille, quoi !… La preuve ?

— Elle ne manque pas une saison de Bayreuth.