Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/218

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
fantômes et fantoches

avec de grands gestes et les chantaient à bouche fermée, comme des moulins à vent où quelque colombe eût roucoulé. Tout à coup, une note aiguë fusait comme un cri, échappée dans l’ardeur du travail, une brusque vocalise s’égrenait, joyeusement timbrée, et, de nouveau, la ruche bourdonnait.

Tous s’assimilaient leur rôle avec une aisance inaccoutumée. Au bout de quinze jours, on put répéter au piano et déjà les chœurs assemblaient leurs voix.

Les ensembles s’édifièrent, les scènes s’enchaînèrent, enfin, comme un palais formé peu à peu de fragments réunis, eux-mêmes constitués de parties qu’on a jointes, l’opéra tout entier prit corps sur la scène.

Lavaret lui-même avait surveillé les phases de son éclosion et tenait à le diriger jusqu’au bout.

À vrai dire, malgré un résultat inespéré, une sorte de délire passionné qui possédait ses interprètes, Lavaret n’était pas sans crainte et pestait de tout son cœur contre « ce diable de monde des théâtres ». Et voilà pourquoi :

Mlle Smithson affichait pour Marvejols une tendresse sans retenue, Elle prenait prétexte de leurs rôles et l’étreignait tout le temps de ses longs bras d’Anglaise tragique.