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fantômes et fantoches

— Est-il tout à fait achevé ?

— Presque, j’ai mis la dernière main à l’orchestration, il ne reste plus qu’à recopier les parties multiples.

— Tu feras ce travail toi-même.

— Penses-tu donc vraiment…

— Si j’y pense, mais rien n’est plus facile à exécuter, avec de l’argent…

— Oh, je ne suis pas bien riche, tous mes gains se changent en billets de bateaux et de chemin de fer, en reçus d’hôtels, mais, s’il le faut, je consens à devenir pauvre et sédentaire.

— Il le faut. Contentement passe richesse, et l’exploit te tient au cœur plus qu’il ne faudrait… puisse-t-il te soulager !

— Je vais commander les décors et demander à Lauval, le directeur de l’Opéra-Dramatique, ses artistes et son théâtre… Rien ne sera trop beau !… Cependant, Briffaut, voilà que je me heurte encore à l’éternelle objection… Jouer une pièce dans une salle vide, pour une seule spectatrice, ensuite brûler la partition, c’est aisé ; mais les musiciens, les interprètes, les machinistes connaîtront l’œuvre eux aussi, et alors tout l’exquis de l’aventure sombre dans un à peu près lamentable. Il faut qu’Elle seule puisse se rappeler avoir frôlé mon âme à travers mon ouyrage…