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offrande à cypris porte-miroir

— Compris, repartit Briffaut d’un ton narquois, tu voulais vivre cette légende pour ton compte et supprimer un opéra en faveur de cette dame… À dire vrai — puisque nous en sommes à l’Antiquité — la réputation qu’Elle en retirerait serait comparable à celle d’Érostrate qui, pour faire parler de lui, incendia le temple d’Éphèse…

Tu es fou, et je m’y connais. Triste prérogative des cervelles géniales que d’être inaptes à toute pensée raisonnable en dehors du domaine où rayonne leur génie. Le génie… maladie mentale… hypertrophie d’une faculté aux dépens des autres…

— Je me le disais tout à l’heure à l’audition de ta petite critique d’art, riposta Lavaret.

— C’est bon, c’est bon, grommela l’autre. Et pourquoi, Monsieur l’homme d’esprit, as-tu délaissé ton projet ? Il est ridicule, mais praticable,

— Hein ?

— Certainement.

— Tu ne réfléchis pas.

— Au contraire. As-tu l’opéra, d’abord ?

— Oui, terminé depuis un mois, composé sans instrument, sur une Table, au milieu de paysans étrangers, à Corfou, entièrement de mon cru, jusqu’au libretto. J’ai touché mon idéal et ne ferai pas mieux : j’ai pleuré en l’écrivant. Ah ! si je pouvais le Lui offrir…