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le lapidaire

sortie sans y pouvoir accoutumer leur répulsion.

De tout temps, les étrangers les moins proches s’étaient mis en route afin de visiter la Ville ; mais l’annonce de cette tranquillité inespérée avait multiplié leur nombre. Plus de cavaliers montés sur de robustes palefrois, à cheval entre la valise et le porte-manteau, et suivis de leurs serviteurs, franchissaient les portes bastionnées des remparts ; et surtout, on voyait débarquer, à l’arrivée des nefs moins rares une recrudescence de passagers, le fait étant bien connu dans le monde que l’on devait atteindre Gênes par mer à cause du spectacle. Rien de plus exact ne fut jamais vérifié. Mais si le tableau se trouvait être véritablement grandiose, il semblait fort énigmatique à ceux qui l’admiraient pour la première fois. Aussi les voyageurs de l’océan comme ceux de la terre, accostés dès l’arrivée — fussent-ils ruisselants à l’égal de tritons ou plus poussiéreux que meuniers — par les guides, dont la race est éternelle, se rendaient-ils en leur compagnie sur le môle, d’où l’on découvrait la même vue que du large en l’écoutant expliquer.

Le môle s’avançait dans le golfe au-devant de la pointe naturelle du phare. Ces deux digues, l’une au levant, l’autre à l’occident, enserraient le port constamment sillonné de navires ; elles le défen-