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offrande à cypris porte-miroir

écrivit, mais afin d’entendre dire au passage : « Voilà Madame Lavaret »… Je ne veux pas tenter sa vanité.

— C’est vrai, fit Briffaut, Ruth et Booz me répugnent… et toi, je t’admire.

— J’ai lu les philosophes, confessa Lavaret.

— Pas possible ? C’est un exercice peu pratiqué dans ta profession.

— Et pourtant, ajouta le musicien, lire les philosophes, n’est-ce point assister à l’opéra de l’existence en le suivant sur la partition ?…

— Alors, reprit Briffaut après un temps, pas de déclaration ? Tu tiens à te consumer incognito ?

— Oui, c’est juré… Cependant, j’aurais voulu lui causer une grande joie, faire naître dans sa vie un de ces bonheurs éblouissants dont les jours demeurent illuminés jusqu’au dernier, et j’avais pensé à… certaine chose, propre à gonfler d’allégresse son cœur de femme. Oh ! la fierté qu’elle aurait éprouvée ! Le triomphe de ses charmes immortalisés par moi ! Cette union pure de nos deux noms, inséparables pour la postérité ! Ces noces de deux paroles aux lèvres des générations rêveuses ! Le seul mariage possible de sa Beauté juvénile et de ma vieille Âme !… Hélas, cette chose est impraticable…

— Dis-la tout de même, ô lyrique !