Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
offrande à cypris porte-miroir

jours les moyens… il faut bien manger… et l’art continue à ne pas nourrir son homme, il se borne à l’abreuver… d’absinthe… c’est déjà confortable.

Lavaret, si je ne savourais pour me distraire le charme de ta conversation, je m’ennuierais sans doute, car la peinture ne m’impressionne pas et je n’y entends rien. Heureusement, tu discours de façon réjouissante, et j’oublie au son berceur de ta voix qu’il existe des gens dont le métier insalubre consiste à raplatir la nature de sorte qu’elle paraisse tout de même bossue comme devant.

Et le musicien lui dit :

— Je voudrais bien être peintre.

Briffaut poursuivit :

— Il m’est doux de l’énoncer : la concision de tes phrases varie en raison inverse de leur fréquence. Celle-ci étant lapidaire, je propose sans motif une descente vers la sculpture.

— Lavaret, nous voici maintenant environnés de blafardes impudeurs. L’ivresse esthétique où m’ont baigné les tableaux m’a laissé en proie à une divine lassitude, symptômes voluptueux de la migraine et du torticolis… Beau prolixe, asseyons-nous. Ce banc nous recevra, groupe prestigieux, sous un palmier stérilisé. Viens, il nous conseille d’accomplir ce geste ancestral, père de l’humble