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fantômes et fantoches

faubourienne, mi-pédante et bavardait, gouailleur, à travers la digne moustache du savant.

— Lavaret, disait-il, c’est en vain que tu arbores un ciboulot pathétique, doué d’une intempestive aphonie, tu ne m’empêcheras pas de me lamenter. Lavaret, pense à tous les Zoulous dépourvus de chemise, à tous les affamés privés de salade, et regarde autour de toi, que de toile perdue et que d’huile gâchée ! Vois cette marine, cette mer démontée, penser qu’une telle débauche d’huile n’a pas réussi à calmer cette Méditerranée. Saint Raphaël ! quel amoncellement de couleur ! Ce n’est plus un tableau, c’est un bas-relief !

Tu ne réponds rien ? Tu me traites in petto de scientifique, de philistin, de Goliath… David, va ! Lavaret, tu es petit, petit comme David, c’est toi qui l’as dit… Ce n’est pas une honte, il est glorieux d’avoir, à l’aide d’un pinceau, tué un géant, et peint le Sacre de Napoléon avec une fronde !…

Tiens, un Henner, c’est le dixième.

Tiens, un Roybet, c’est le cinquante-troisième !

Hélas ! Les élèves sont des copistes ! Les rapins vivent de rapines, c’est certain… aussi certain que les citrons ne poussent pas autour des soles frites, mais sont plutôt les œufs des poules atteintes de jaunisse… icterus gallinaceus, dirait Diafoirus… Mais quoi ! Dieu qui voulut la faim ne veut pas tou-