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fantômes et fantoches

les paires de compagnons ne peuvent raisonnablement pas ressembler à un jeu de bilboquet ; et ces promeneurs, confondus dans une même banalité, ne présentaient rien d’extraordinaire, sinon d’être à ce point quelconques.

Chacun se composait d’un terne visage à barbe grise entre un chapeau haut de forme et un pardessus informe, le tout également duveté par la poussière équitable de l’Exposition.

Ils passaient tranquillement au milieu de la foule, l’un de taille moyenne dominant la stature exiguë de l’autre, et leur présence n’intéressait personne.

Pourtant leurs noms étaient glorieux. Proclamés, ils auraient suscité dans le public une ardente curiosité, peut-être une ovation, car le docteur Briffaut et Lavaret, le compositeur, déambulant côte à côte, symbolisaient assez heureusement la science et l’art bras dessus bras dessous.

Ce fait — que l’illustre aliéniste et le non moins célèbre musicien demeuraient inaperçus malgré leur renommée — ne surprendra point leurs intimes.

Le public les connaît mal.

Briffaut abandonne rarement l’hôpital de la Poudrière dont il est directeur, et jamais il n’a consenti à se laisser portraiturer.