Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
fantômes et fantoches

caractéristiques de la mode présente, selon le caprice de la frimousse sourire à son sourire ou bien bouder à sa moue, voilà qui n’est pas déplaisant. Mme de Fryvol est tout à fait de cet avis, et comme elle pense n’être pas moins douce aux miroirs sous une robe qu’en sortie de puits — pour parler selon la Vérité — elle inflige la volupté de sa gracieuse image à tout ce qui peut la lui renvoyer.

Car il n’y a pas seulement de la coquetterie dans cette habitude ; avec la joie de contempler quelque chose de joli qui passe ou pose, elle y trouve aussi l’émoi satisfait d’un auteur devant son œuvre terminée, et, comme cette artiste achève beaucoup d’ouvrages en un seul jour, il est bien naturel, n’est-ce pas ? qu’elle les admire et surveille leur durée afin qu’ils demeurent harmonieux.

Des œuvres d’art ?

Mais oui. Cette Parisienne exécute quotidiennement beaucoup de petites Mme de Fryvol très dissemblables et toujours merveilleuses d’ensemble et de fini ; ce sont bien des statuettes non pareilles que reflètent la glace du boudoir, ou les vitrines des magasins qui font trotter à côté des passants leur sosie, vague et sombre comme un daguerréotype, ou bien encore les grands panneaux de cristal en qui, le soir, se reproduit la fuite rhythmée