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fantômes et fantoches

— Vous l’avez cru.

— Non, c’est une certitude.

— Alors, vous avez échoué.

Confondu par cette perspicacité, je ne voulus pas avouer. Je repartis :

— Pas le moins du monde ; la créature est achevée et elle est bien mon ouvrage.

Mentir m’est odieux. Le souvenir de mon impuissance augmenta ma gêne et, brusquement, je détournai la conversation.

— À la santé des propriétaires, dis-je, c’est jour de terme.

Et nous devisâmes, de logements, de concierges et de déménagements. Je fus amené de la sorte à conter mon évasion de l’hôtel de la Jeunesse, caravansérail qui m’abritait avant cette maison de la rue Bonaparte. Les pensionnaires en étaient assez contents, ils y prenaient gîte et repas pour une somme très minime dont je ne pus me rappeler le montant, en dépit de tous mes efforts. Le propriétaire était un athlète roux qui ne plaisantait pas sur les retards et, à la fin d’un mois, j’avais préféré la fuite à l’expulsion et au contact des huissiers, car M. Duchâtel n’hésitait pas à faire usage de ces pitoyables fonctionnaires. Il gardait même de ce fait la marque de l’inimitié de ses locataires, l’un d’eux lui avait démoli la mâchoire d’un coup de