Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
fantômes et fantoches

— Parce que l’observateur domine en vous. On peut toujours affirmer à coup sûr de l’un de vos personnages — quand il n’est pas vous-même — qu’il existe quelque part ou qu’il est formé de deux ou trois citoyens de votre connaissance. Vous ne copiez pas toujours de la tête aux pieds monsieur Sinople, mister Yellow ou mein Herr Roth, mais on les retrouve dans d’aimables Arlequins plus ou moins verts, jaunes ou rouges suivant la suprématie de l’un des trois éléments.

— Fichtre, riposta Filliot, ce peintre a trempé sa langue dans un arc-en-ciel polyglotte !

Et Blondard continua :

— Voyons, Farges, croyez-vous qu’un miroir ne se dresse pas devant mes yeux à la lecture des Théories de Raphaël Gouache ?

— Mais, répondis-je surpris, c’est que vous dites vrai, mon cher Blondard ; je vous jure n’y avoir mis aucune malice, je m’en rends compte aujourd’hui seulement.

— Parbleu ! Je vous pardonne de grand cœur. C’est de la suggestion, le phénomène est classé. Du reste, je suis en compagnie dans le corps de Gouache, car vous y avez fait entrer un peu de Filliot, et c’est ce qui me désole…

— Comment ! Comment ? hurla le sculpteur.

— Calme-toi et laisse-moi finir : ce qui me désole