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fantômes et fantoches

cerie ; encore le genre de ce dernier magasin a-t-il échappé à mon attention.

Un grand découragement, presque du désespoir, m’accabla, et je me mis à rêver tristement…

Jean, le domestique de mon oncle, vint troubler ma méditation. Son maître souffrant l’avait chargé de me remettre cinq napoléons (car son maître professe le bonapartisme) et la quittance du loyer que Jean aurait préalablement soldé avant de monter.

Je le priai de remercier mon oncle de la confiance qu’il voulait bien me témoigner, puis, l’ayant congédié, je me levai et m’habillai.

Avant de sortir, je posai sur ma table mes notes et le manuscrit insuffisant en tête duquel je traçai au crayon bleu : À modifier.

Au dehors, il faisait à peu près nuit ; c’était un tiède soir d’automne. Je me sentis, en remontant la rue Bonaparte vers le boulevard Saint-Michel, les jambes molles et la tête vide.

Mon dessein était d’aller dîner tout de suite au prochain Duval, mais comme je passais devant le café du Faune, quelqu’un, à la terrasse, me héla ; Blondard, Amolin et Filliot, habitués impitoyables de l’établissement comme du reste le nommé Farges que j’ai la douleur de constituer, me firent asseoir près d’eux.