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la fêlure

Aussi bien, dans mes contes les mieux venus, la fin a-t-elle été composée avant le reste.

Voici ce morceau, puisque je me suis promis de fouiller la journée d’hier dans tous ses détails, et voici d’abord le thème du roman dont l’obsession l’a remplie presque tout entière :

Un banquier américain, un de ces hommes puissants qui utilisent leur pouvoir à multiplier autour d’eux les savantes amitiés et les dévouements influents, nourrit une haine implacable contre un jeune peintre au seuil de la gloire.

Motif : passionnel.

Pour assouvir sa vengeance, le millionnaire a préparé dans l’ombre toutes les calamités, déceptions et injustices que les administrations, le monde et les jurys peuvent infliger à qui tente leurs suffrages. La mine est prête à faire explosion.

La victime subira le supplice raffiné d’échecs perpétuels, et même, il n’est pas jusqu’à son existence matérielle qui ne doive rencontrer chaque jour les pires obstacles. Le suicide du patient s’impose à bref délai. C’est donc une peine idéalement féroce et sans danger pour le bourreau.

Mais les deux ennemis se rencontrent par hasard ; la jalousie s’empare violemment de l’homme