Page:Renard - Fantômes et fantoches, 1905.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
fantômes et fantoches

vers le même but et je ne pus continuer mes tentatives de création.

Je suis passablement sujet à ces accès de fièvre inféconde. Sitôt qu’ils se déclarent, je devrais couper court au vain essai de production, m’appliquer à des ouvrages faciles, des copies par exemple ; mais un orgueil hors de saison m’interdit d’avouer mon impuissance et je persévère à m’épuiser pour rien, à faire tourner à vide les rouages cérébraux jusqu’à l’arrêt fatal de la machine sans force.

D’habitude, je me délasse longuement après un surmenage de la sorte : une promenade en flâneur réassouplit l’intelligence courbaturée, mais hier des crampes à l’épigastre me firent comprendre la nécessité de m’absorber dans n’importe quelle occupation : la faim et l’oisiveté font mauvais ménage.

Nulle inquiétude, d’ailleurs, ne m’importunait, mon oncle ne pouvait pas ne pas venir le jour même.

J’essuyai donc mon visage, réparai le désordre de mon lit, et j’écrivis avec assez de facilité le dénouement de l’ouvrage. C’est une partie qui m’a tout particulièrement séduit, elle était déjà toute terminée dans ma pensée et n’exigeait pas une connaissance totale du personnage tant cherché.