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la fêlure

Je ne m’étais pas trouvé depuis longtemps réveillé si matin, et j’aurais bien voulu me rendormir, mais la fâcheuse situation de mes affaires m’apparut trop vivement pour me permettre de me replonger dans l’oubli du sommeil.

Comment se faisait-il que mon oncle et conseil judiciaire ne m’eût pas apporté les deux cents francs de ma pension mensuelle ? C’était la veille que cette somme aurait dû m’être remise. Le plus grand besoin s’en faisait sentir : pour acquitter le terme, et puis… pour me nourrir.

Les derniers dix louis m’étaient échus dans une période de cette paresse intermittente qui prouve l’artiste et lui est nécessaire car il s’y repose du labeur cérébral et couve à son insu des pensées nouvelles.

Mais le sort a voulu que nous fussions plusieurs à subir en même temps la crise sacrée, circonstance qui la prolongea. Quelques jours de fête en compagnie de Filliot, de Blondard et d’Amolin sont peut-être la raison d’une statue, d’un tableau ou d’un opéra remarquables entre ceux de l’avenir, mais ils entamèrent grièvement ma fortune et je dus sans retard me remettre à la besogne.

Je tenais un sujet original et ne doutais pas d’en faire une nouvelle que la Revue Mauve accepterait d’emblée et paierait comptant. Hélas ! L’idée de ce