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fantômes et fantoches

des histoires surprenantes. Il t’est mauvais de rester ici tout seul. Vous y êtes venus ensemble très souvent. Ce silence est trop bavard et cette solitude trop peuplée pour ta douleur.

tityrus

Melibœus, tu raisonnes comme un enfant ignorant. Le silence terrible est non pas celui des déserts, mais le mutisme des êtres cachés qui se taisent afin de nous surprendre et dont notre angoisse devine l’affût silencieux ; pour la solitude, elle n’est effrayante que si nous la croyons habitée d’embuscades invisibles.

Je suis certain, hélas ! d’être solitaire ici, et j’y veux demeurer, car, vois au contraire comme je suis fort et courageux : c’est là que j’ai résolu d’oublier la créature aussi complètement que j’en ai désappris le nom. Lorsque, dans ce bosquet où chaque brindille accroche un souvenir, j’aurai dompté ma mémoire, comment pourrai-je alors rêver d’elle dans tous les autres lieux où rien ne me la rappellera ? C’est là un moyen très pénible, sans doute, mais tout puissant. Bientôt le passé n’existera plus et j’aurai reconquis la santé de l’esprit… Adieu, Melibœus.

melibœus

Promets donc que tu ne restes pas ici pour évo-