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fantômes et fantoches

doute ce mot qui ne fut rien pour eux, mais moi, moi qui l’écoutais bruire comme un monde harmonieux, je l’ai oublié.

melibœus

J’ai compris : tu étais trop heureux, ce matin-là, ton chagrin d’aujourd’hui est fait de toute cette joie immense et disparue.

C’était l’aurore, la primevère fleurissait.

Le soir tombe et l’automne s’effeuille.

tityrus

Ah ! Melibœus ! Tout l’automne agonise dans mon cœur, et mon âme est une feuille mourante secouée par la tempête dans un crépuscule près de s’éteindre…

melibœus

Écoute, Tityrus, dis-moi ta peine. Ce n’est point curiosité de ma part : je la devine à peu près ; les Dieux en façonnent beaucoup sur ce modèle-là pour faire pleurer les hommes, mais je sais que cela soulage de laisser crier la souffrance.

tityrus

C’est étrange… il me semblait qu’un long discours serait nécessaire pour t’expliquer mon désastre ; et voilà maintenant qu’il suffit d’une toute petite phrase…